Les Vins plaisirs, La Grande Motte
Il existe probablement autant d’histoires singulières que de cavistes, mais le parcours de Philippe n’est pas tout à fait banal, car notre caviste d’aujourd’hui est aussi un homme de l’art. De l’art de vinifier s’entend.
Philippe est originaire de Vouvray, en Val de Loire. Si ses parents ne sont pas viticulteurs, son père possédait quelques terres jouxtant les vignes et où il élevait des moutons. La vocation de travailler la terre est venue très tôt mais la passion pour la vigne est venue avec la nécessité de se payer sa première mobylette : il travaille dans les vignes ! Après un bac agricole, il file suivre l’un des rares BTS viticulture-œnologie de l’époque, à Bordeaux. La cave coopérative de Vouvray aurait bien souhaité le voir suivre un tel BTS en Champagne, histoire d’en faire son chef de cave, mais Philippe ne veut pas limiter sa formation aux bulles…
Son diplôme en poche, il revient tout de même dans son Vouvray natal. Il prend 10 hectares en fermage, surface qui va tripler au fil des ans, en appellation Vouvray puis également en Touraine Amboise. Avec à la clé pas mal de jolies récompenses. Puis il s’associe à un chirurgien à la retraite qui vient d’acheter de vastes surfaces de vignes dans le coin. Il endosse alors le rôle de régisseur, supervisant la vinification sur chaque domaine, et s’occupant aussi de la commercialisation vers les cavistes (tiens, tiens…).
Au milieu des années 2000, son histoire personnelle le conduit à tout plaquer et à descendre vers le Sud recommencer une nouvelle vie. Après quelques postes comme régisseur ou maître de chai, dans le Gard notamment, il décide avec sa compagne Nadine de poser ses valises comme caviste. En 2013, il recherche un local, entre le Grau-du-Roi et Argelès-sur-Mer, dans une ville où il y a de la vie de janvier à décembre. Il ne veut pas être seulement le caviste des vacanciers. Son truc, c’est de créer une clientèle fidèle, qu’il conseille toute l’année. Ce sera finalement la Grande Motte.
L’ouverture a lieu en février 2014. Aujourd’hui, la cave propose quelques 450 références. Pour moitié des vins de la région, pour l’autre d’un peu partout en France, avec un petit faible pour les vins de Loire. Philippe observe qu’il est important de proposer une gamme diversifiée en vins régionaux, et même locaux.
« Dans le coin, les gens préfèrent avoir le choix entre trois Pic Saint Loup qu’entre un Pic Saint Loup, un Minervois et un La Clape ! ».
Bien qu’il dispose de tous ces vins, il vend plus de Pic Saint Loup ! D’autres tiennent à pouvoir repartir avec du Saint-Georges-d’Orques plutôt que du Saint-Christol (ou inversement). Pour des gens extérieurs à la région, c’est un peu du pareil au même. Mais il observait la même chose dans son Vouvray natal : les locaux voulaient pouvoir choisir entre du Vouvray de Vouvray, ou de Vernou ou de Chançay. Vu d’ici, c’est un peu du pareil au même non ?…
Quinze pour cents de ses références sont en bio. Pas d’ostracisme, mais pas d’engouement passionné non plus pour le bio, la biodynamie ou les vins naturels. Sa religion : que le vin soit bon et bien fait. Parce que plus de 25 ans de vinification, ça vous forge un caviste sachant reconnaître un vin bien fait d’un vin bourré de défauts, ou qui se rapproche du vinaigre. Il a récemment goûté 50 références qui s’affichaient en vins naturels. Résultats de la dégustation : il n’a gardé qu’une référence. Quand du Sauvignon ressemble à du cidre, il conseille gentiment au vigneron de travailler plutôt avec des pommes !
En juin, Philippe a ouvert un second magasin, tout proche, où il propose du vrac mais aussi des produits régionaux.
Petite confidence que m’a faite un jeune vigneron du Pic Saint Loup : il a vinifié ses blancs en suivant les conseils de Philippe. C’est dire que notre caviste sait de quoi il parle.
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