Vignobles du sud

À la découverte des vignobles du sud de la France

Olivier, pilier de cave. L’expérience et l’ouverture

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Nous voilà Au Cépage Fleuri. Nom bucolique du commerce précédent, qui n’était autre qu’un marchand de fleurs, mais qui proposait également du vin en vrac et une petite dizaine de bouteilles différentes ! Olivier Toubard, maître des lieux depuis 25 ans, n’a pas eu comme priorité de changer le nom en prenant place. Dorénavant plus de fleurs, mais de très jolis nectars.

Olivier est d’origine normande. Et la bonne fée qui se penche sur le jeune homme sera son grand père, un vrai amateur de vin, de très grands vins. Avec lui, il ira régulièrement acheter quelques bouteilles à l’épicerie du coin, des petits domaines comme Château Yquem, à moins de 20 francs la quille… Le grand-père possédait une très très belle cave.

Vins et gastronomie, la vie quoi

Olivier s’expatrie en région parisienne juste après l’armée. Il n’a guère envie de reprendre des études. Son père lui indique que la cave à côté de chez eux cherche quelqu’un. L’aventure le tente. Il postule. Et l’aventure commence. Nous sommes dans la commune de Jouy-Le-Moutier, au hameau de Vincourt, dans le Val d’Oise. Pas très loin de Cergy-Pontoise. Le propriétaire de la cave, logée dans un ancien et très beau corps de ferme, a un frère vigneron en Alsace. Avec sa première paye, Olivier s’offre un premier stage, et il va les enchaîner, soucieux de se former le mieux possible, notamment auprès de grands œnologues. Il est très vite en charge des achats, et s’occupe également du bar à vin adossé à la cave.

VIGNOBLES DU SUD CEPAGE SAINT-ESTEVE ROUSSILLON CAVISTEEt ça tournait, au début des années 80 ? « Mais les gens faisaient la queue du matin au soir pour le vrac ! Et on avait un millier de références dans les bouteilles. Le bar fonctionnait aussi très bien ». La concurrence était aussi très limitée.  Au point qu’il sera rapidement nécessaire de déménager dans de nouveaux locaux, dans la ville nouvelle de Cergy-Pontoise.

A l’époque, il n’existait quasiment pas de salons où rencontrer les vignerons. La cave recevait des échantillons de tous les vignobles français et le dimanche midi, avec Paul le patron et les autres employés, c’était dégustation à l’aveugle, « avec un petit truc à manger préparé par la femme de Paul ». Et Olivier a gardé la méthode : il déguste tout à l’aveugle.

Cette première expérience, au cours de laquelle il affûte son savoir, dure jusqu’en 1988, année où il rejoint des copains qui tiennent l’Auberge du chou à Pontoise. Son souhait est d’approfondir les accords mets et vins. Il a le souci des bonnes choses et l’exigence du bon vivant.

Pour l’amour d’une Catalane

Mais le Roussillon dans tout ça ? Une princesse catalane rencontrée lors de vacances dans le coin, et voilà Olivier la bague au doigt. La princesse accepte l’exil, va pour la région parisienne. Mais au bout de deux ans, Olivier comprend que l’on ne quitte pas le Roussillon le cœur léger. Bon prince, va pour les Pyrénées-Orientales. L’occasion se dit-il de prendre six mois de relâche, avec bien sûr l’idée, à terme, d’ouvrir une cave. Tu parles Charles. Quelques jours pour tomber sur ce Cépage fleuri qui est en vente, dans la commune de Saint-Estève, à deux pas de Perpignan. Pour ma part, je trouve ça plutôt culotté d’avoir choisi cet emplacement, car certes la clientèle n’a aucun problème pour se garer, mais il faut la trouver la cave ! Mais Olivier est un bloc de conviction. « Je préférais que mes clients me cherchent plutôt que d’habiter dans le centre de Perpignan. C’est une jolie ville, mais côté circulation et stationnement… ». Pari gagnant, car aujourd’hui il possède une très nombreuse clientèle perpignanaise.

« Moi, je suis breton et je ne sais pas faire les crêpes ! »

Mais vous l’avez compris, on ne débarque pas au Cépage fleuri par hasard. Ce que l’on trouve ici est rare. Aujourd’hui, les vacanciers parisiens sont nombreux à lui rendre visite car ils dénichent des choses introuvables dans la capitale ! Olivier vous raconte ça sans forfanterie, mais pas peu fier non plus. Des exemples ? Les vins du Domaine Labet (Jura) ou ceux de Patrick Corbineau (Touraine-Chinon). Les rouges de Julien Labet, c’est bien simple, c’est 36 bouteilles par an, 1 bouteille par client, et en 15 jours il n’y en a plus. « Les Pinot noir de chez Labet valent des grands bourgogne ». C’est dit sur un ton qui ne souffre pas la discussion. Je soupçonne d’ailleurs Olivier de jouer de son physique de rugbyman pour convaincre certains clients du bien fondé de ses opinions, les hommes surtout. Car, et il n’est pas le premier caviste à me le dire, il constate que « L’homme sait tout ; les femmes sont beaucoup plus à l’écoute des avis et conseils. Le nombre de bonhommes qui commencent par me dire « Attention, je suis bourguignon », sous-entendu, je m’y connais donc forcément… Je leur réponds : « « Moi je suis breton et je ne sais pas faire les crêpes » ». C’est dit avec une voix de stentor, mais comme il a le rire facile…

« A l’époque, il fallait les chercher les vignerons indépendants »

Le Cépage fleuri n’est pas devenu une caverne d’Ali Baba pour amateurs éclairés en deux coups de cuillère à pot. Olivier a été un observateur privilégié du renouveau du vignoble du Roussillon. Il reconnait modestement qu’en s’installant ici, il ne connaissait pas grand-chose aux vins du coin, « Mais en même temps, il y a 25 ans, il fallait les chercher les vignerons indépendants ! Gérard Gauby venait de s’installer [un grand parmi les grands, note de la rédaction], il y avait Pierre Piquemal [vallée de l’Agly], le Domaine du Vieux Chêne [Rivesaltes], le Mas Crémat [vallée de l’Agly]. Et le Domaine des Schistes [vallée de l’Agly] ! Le Domaine Cazes aussi, qui vendait en grande distribution et qui a tiré la région vers le haut ». Ces vignerons sont toujours là, beaucoup d’entre eux sont des copains, et aujourd’hui il se dit « un peu largué » tant le paysage a évolué. Pas tant largué que ça à mon avis, mais il reconnait avoir découvert des vignerons du coin lors du salon Indigènes (Salon des vins naturels de Perpignan, qui s’est tenu pour la première fois cette année, les 30 avril et 1er mai, et qui a connu un grand succès).

Il observe également une très nette évolution du profil des vins de la région, initialement riches, puissants, tanniques, « où l’on cherchait l’extraction »,  vers des vins digestes, avec de la finesse. Et avoue que cela correspond à l’évolution de ses propres goûts ! Mais il ne voudrait surtout pas que cette demande d’aujourd’hui fasse disparaître « la typicité de nos vins catalans ; il en faut pour tout le monde, pas que des vins de soif, avec des tannins pas trop marqués et des macérations courtes ». Et cela fait très longtemps qu’il propose essentiellement des vins bio.

« Bien fait pour eux ! »

Lorsque je lui fais remarquer qu’au Salon Vin’Aqui, j’avais été frappé par le nombre de vignerons venus d’ailleurs, il confirme et estime à environ 60% les vignerons indépendants actuels à ne pas être d’ici. Et d’égrener les domaines « d’étrangers » qui trônent sur ses rayonnages : Mas Karolina, Roc des Anges, Les enfants sauvages (des Allemands), Les Helianthèmes…

Mais Olivier ne promeut pas que des domaines du Roussillon. Environ 70% des quelques 400 références de vins tranquille de sa gamme ne viennent pas des Pyrénées-Orientales. « Ma clientèle locale est constituée de beaucoup d’amateurs qui veulent découvrir ce qui se fait ailleurs, car ils connaissent très biens les domaines d’ici ». Sa ligne de conduite ? Le rapport qualité-prix. Et il cite l’exemple des vins de Nicolas Maillet, qui « fait des choses extraordinaires dans le Mâconnais. Un des premiers à s’être engagé dans la biodynamie ».

Par contre, il n’est pas tendre avec les vignobles qui se plaignent d’être décriés ou méconnus. « Le muscadet sur lie qui vend 80% de sa production à 2,5 € la bouteille en grande distribution… Bien fait pour eux ! ». « Prenez la cuvée Amphibolite nature du Domaine Landron, un magnifique muscadet sur lie à un peu plus de 10€. Les gens ne comprennent pas… Il faut expliquer, insister, convaincre… ». Ce qu’il fait très bien (largeur d’épaules, voix de stentor, voir plus haut…).

Fan de blancs

VIGNOBLES DU SUD CEPAGE FLEURI DOMAINE BENASTRA ROUSSILLON CAVISTEOlivier est un grand amateur de blancs, la richesse de son offre dans cette couleur en est la preuve, et, joignant le geste à la parole, il ouvre une bouteille du blanc du Domaine Belastra (Saint-Paul de Fenouillet). Et l’on déguste. Et l’on finira la bouteille, un peu aidé par un artisan venu s’occuper de désagréables problèmes de tuyauterie dans le magasin. Cet IGP Côtes Catalanes est un régal, un assemblage de Macabeu, Grenache blanc, Chardonnay et Vermentino, qui poussent sur des sols de calcaire et de granit. Olivier commente : « Ce millésime 2015, c’est la première cuvée de Joseph Paillé, un vigneron qui vient de la Loire. C’est passé en barrique. Une belle tension, du gras, et une fin de bouche bien tendue… Typique de la région ».  A boire avec quoi ? « Un joli poisson au four, une dorade par exemple. Ou avec du fromage de brebis frais ou un chèvre demi-sec ». Je reprends un verre, histoire de bien imaginer la dorade ou le brebis.

Et les vins doux ? Olivier regrette qu’ils se vendent de moins en moins, « Alors qu’il y a des trucs fantastiques. C’est difficile de convaincre les consommateurs, mais on peut faire un repas avec des vins doux du début à la fin. Il y a de très beaux accords à faire. Et on a des bouteilles qui ont 30 ou 40 ans à des prix très raisonnables ! ».

On demande souvent à Olivier : « C’est quoi un grand vin ? ». Lui répond « Le vin que vous aimez ! Ne pas oublier que le vin est un produit alimentaire, source de convivialité ». C’est quoi un grand caviste ? Un type comme lui je crois.

Au Cépage fleuri

Prochain article : les coups de cœur d’Olivier.

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