Jean-Philippe a fait de nombreuses choses, dans le monde du vin, ici et ailleurs, avant de s’installer comme caviste à Canet-en-Roussillon. Fort d’un joli bagage, il propose des vins qui ont la personnalité de ceux qui les font, cordiaux et sincères.
Chenin faisant, en partant des vignes du grand-père
Jean-Philippe est originaire de Touraine mais les liens avec le Val de Loire sont aujourd’hui bien distendus. S’il fallait chercher des racines dans son intérêt pour la vigne et le vin, on pourrait évoquer les vendanges, âgé d’une dizaine d’années, dans les vignes du grand-père. Et puis, lorsqu’on lui demande ses préférences hors Roussillon et Languedoc, il reconnaît qu’il a été « élevé au Chenin et au Cabernet-Franc. Soit dit en passant, très dur à vendre par ici… »
Son histoire avec les vins du Sud commence avec sa formation de technico-commercial « vins et spiritueux » à Carcassonne. Son premier stage se déroule au Domaine Boudau, en 1991, un vaste et vieux domaine situé à Rivesaltes. Le Muscat n’a plus de secret pour lui. Un autre stage le conduira à gérer l’ouverture d’une cave à Tours, et cette première découverte du métier de caviste sera une expérience dont il gardera un excellent souvenir.
Des terres catalanes à l’Angleterre et au Chili
Une fois son BTS en poche, Jean-Philippe va rouler sa bosse. D’abord dans plusieurs caves coopératives du Roussillon, en charge des vinifications, puis en Angleterre, sommelier dans un grand hôtel. En 1995, retour en terres catalanes, au Château de Caladroy (Belesta, terroir de Fenouillèdes), qui comptent 130 ha de vignes. Il est en charge des vinifications, et sa femme du commercial. En 1999, il devient maître de chai, ce qui signifie qu’il n’est plus seulement responsable des vinifications mais aussi d’un tas d’autres choses, comme le personnel, l’export, le site internet…
En 2004, il s’octroie un long congé sabbatique. Direction, le Chili, où un ami l’invite à travailler dans un immense domaine (1000 ha…), à 140 kilomètres au sud de Santiago. Il n’y a pas que la dimension des domaines qui le laisse baba. Ici, rien à voir avec les sols du Roussillon, qui peuvent ne faire que quelques décimètres de profondeur. Dans cette propriété, la vigne pousse sur des sols très riches, de plusieurs mètres d’épaisseur. Un autre monde…
Les vignes du Seigneurs dépoussiérées
De retour en France, il réfléchit à un projet de cave avec un ami. En Roussillon bien sûr. Un soir, un peu découragés car le projet n’avance guère, ils tombent sur le propriétaire de la cave « Les Vignes du Seigneur », à Canet-en-Roussillon, au cœur de la station balnéaire (Canet-Plage). Qui vend ! Visite quasi immédiate, et décision prise presque aussi rapidement. La cave devient Gustumo, un terme d’espéranto qui signifie « le sens du goût ».
Le commerce précédent (beaucoup de verreries et autres produits pour touristes) est dépoussiéré. Priorité aux vins, essentiellement du Roussillon (environ 80% de l’offre). Le vrac vit même, fin 2017, ses dernières heures. Jean-Philippe cherche à proposer des quilles représentatives des différents terroirs catalans. « Un Carignan sur les Aspres ne présente pas du tout les mêmes caractéristiques qu’un Carignan sur l’Agly. L’un sera plus charpenté, l’autre plus acide, plus tendu. Il faut pouvoir éduquer les gens à la diversité de nos terroirs ».
Jean-Philippe avoue néanmoins un petit faible pour le terroir (les terroirs plutôt) de Fenouillèdes, pour y avoir longtemps travaillé, et s’être fortement impliqué au sein de l’association Roots 66 en Fenouillèdes (qui regroupe une quarantaine de vignerons et qui promeut les vins du coin). Mais il trouve son bonheur dans toutes les appellations du Languedoc, et apprécie les vins de Loire ou de Bourgogne. Moins ceux du Bordelais, « pas mon kif ».
Le vigneron / la vigneronne sont dans la bouteille
Mais pour que Jean-Philippe retienne un vin, outre la qualité du breuvage, il faut que le vigneron ou la vigneronne soit sympa. « Si le vigneron ne l’ait pas, ça se ressent dans ses vins. Ici, je me paye le luxe de proposer des vignerons qui le sont ! ».
Mais un petit coup de gueule au passage, qui fait écho à des propos tenus par d’autres collègues : « On voit trop de cuvées que l’on aime, pour lesquelles nous faisons de gros efforts de promotion, se retrouver au final en grande distribution, à des prix inférieurs aux nôtres ! ». Et la faute n’en incombe pas toujours aux vignerons (ce peut-être notamment des intermédiaires).
Combien de fois faudra-t-il le dire ? Un vrai amateur de vin n’achète pas ses bouteilles en grandes surfaces (qui représentent malheureusement 80% des achats de vins des Français). Non que celles-ci ne proposent que des vins de piètre qualité (même s’il s’agit pour l’essentiel de vins d’entrée de gamme). Non, le problème est avant tout le risque de voir disparaître les cavistes indépendants, qui délivrent un conseil qui n’a pas de prix et qui participent à l’animation des petits bourgs et des quartiers des grandes villes. Et qui font le choix de défendre et promouvoir des vignerons encore peu connus ou qui sortent des sentiers battus. Bon, là c’est moi qui parle, plus Jean-Philippe.
La cave Gustumo
Prochain article : les coups de cœur de Jean-Philippe.