Les différentes facettes du caractère « exceptionnel » des vins du Roussillon
Pour cet automne, Alain (caviste à Canet-en-Roussillon) nous propose un « petit » vin, un grand vin et deux vins doux naturels, à propos desquels – les quatre – il ne tarit pas d’éloges.
Pour commencer, Alain propose « un petit vin sans prétention, un vrai vin de caviste, à 5,90 € ». Il s’agit de la cuvée Squerda (2016) du Domaine Semper. Petit vin, mais attention, on est en Côtes du Roussillon Villages Lesquerde, le haut du panier des appellations du Roussillon tout de même. Terroir caractérisé par ses sols d’arènes granitiques, une sorte de sable plus ou moins compact issu de l’érosion du granit, qui lui est une roche. Il y a même une cuvée de la Cave des Vignerons des Côtes d’Agly (cave coopérative) qui s’appelle « Arène de Granit ». ça me rappelle mes études en géologie, en Auvergne, où les vins à cette époque… Mais je m’égare.
La cuvée Squerda c’est une majorité de Carignan, avec de la Syrah et une touche de Grenache. « Un vin d’automne, qui va avec tout, sur une poêlée de champignons toute simple, avec un peu d’ail et de persil. On se régale ! ». « Non mais c’est énorme ce prix, 5,90 € pour un Côtes du Roussillon Villages ! » s’emballe Alain. Qui précise que les frères Mathieu et Florian font d’excellents vins à des prix imbattables. Et il tient à faire savoir, avec cette bouteille, que l’on trouve des vins pas chers chez les cavistes, contrairement à ce que l’on entend trop souvent. « Celle-ci, on ne la trouve pas en grande surface ! », qu’on se le dise.
Ensuite, son cœur balance entre deux vins doux naturels. Il balance vraiment. Alain loue les qualités de l’un et de l’autre et me les fait goûter tous les deux, comme pour me laisser arbitrer. Je goûte, me régale, ne crache pas (impossible avec les vins doux naturels, c’est comme ça, je ne peux pas) mais ne tranche pas. Il s’agit d’une part de la cuvée François Arago, de la Cave d’Estagel (tient, justement, les Vignerons des Côtes d’Agly dont je parlais précédemment), le millésime 2002 Hors d’Âge. Un Rivesaltes tuilé, au nez complexe, dont les arômes de café et de cacao explosent. Elevé 72 mois en fûts de chêne. « En Rivesaltes, le tuilé, c’est ce que l’on vend le moins ; les gens achètent plutôt l’ambré. Ce tuilé, il ne coûte que 11 € ! ». Petite précision, le « Hors d’Âge » signifie que le Rivesaltes (valable pour un ambré ou un tuilé) a au moins cinq ans d’élevage. Notons également que cette cuvée a été Médaille d’Or au Concours des Grenaches du Monde 2015. Excusez du peu.
Il s’agit d’autre part du Vintage blanc (2015) du Mas Amiel (Maury). Un 100% Grenache gris, « Nos vieux Grenaches gris du Roussillon. Aux notes de poires, magnifique, j’adore ! ». A 16,20 €.
Traditionnellement les vignes du Roussillon étaient plantées et mêlées de plusieurs cépages. Ainsi les vieilles vignes de grenache du Mas Amiel possèdent quelques souches portant des raisins gris. Pendant plusieurs jours, les vendangeurs du domaine parcourent le vignoble à la recherche de ce cépage rare : le Grenache gris. Qui est vinifié pur. A très faible rendement, il se comporte alors en véritable révélateur de terroir, transmettant au vin toute la minéralité des schistes. Je fais mon malin, mais c’est écrit sur la contre étiquette.
Finalement, Alain conclue : « Les deux sont différents mais exceptionnels ». J’acquiesce, on présentera les deux.
A propos de vins doux, dans le cadre de la récente Fête de la Gastronomie, la Coordination des cavistes catalans a organisé des soirées sur le thème des accords vins doux naturels et fromages (roquefort, chèvre ou brebis des Pyrénées, vieille mimolette, vieux comté…). Qui ont remporté un franc succès. Illustration des efforts entrepris par les professionnels du Roussillon pour redonner ses lettres de noblesse à ces vins exceptionnels (et exceptionnellement bon marché).
Pour finir, Alain tient à mettre en avant « un grand rouge ». Sans hésiter, il retient la cuvée Montagne 2015, du Domaine de la Rectorie, en AOP Collioure. Un assemblage de Grenache noir (30%), de Carignan (30%), de Mourvèdre (10%) et d’un cépage très rare, la Counoise (30%) que l’on trouve essentiellement dans la vallée du Rhône méridionale. Pour ce vin, élevé 12 mois en fûts, les parcelles sont situées en altitude, avec des rendements très faibles, de l’ordre de 15-20 hl/ha. Un vin fin et élégant mais avec du caractère, un vin de garde, une très belle bouteille, à 24 € et qui les vaut bien.
Petit aparté sur la Counoise. En Roussillon, seuls les AOP Collioure et Banyuls l’autorisent, ainsi que l’IGP Côtes Catalanes. Mais les surfaces cultivées sont infimes. En Languedoc, au début des années 2000, la surface plantée en Counoise était inférieure à 400 ha, située pour la quasi majorité dans le Gard (vallée du Rhône).
Voir le portrait d’Alain.