C’est de naissance, les vins d’ici et l’histoire récente du vignoble catalan, Christophe connait ça parfaitement. Le grand-père faisait son vin, le père commercialisait du matériel viticole, la famille possède des vignes du côté de Collioure. Ce qui ne veut pas dire que la voie était toute tracée. Christophe a un peu louvoyé pour finalement, à 25 ans, reprendre un commerce de vin et de beaucoup d’autres choses dans le village de Saint-Cyprien, qui s’appelait déjà le Petit Bouchon. Et il en a fait une vraie cave à vin, à l’offre impressionnante.
Catalan, né à deux pas d’ici, il n’en est pas moins curieux et n’hésite pas à régulièrement prendre la route pour aller découvrir les autres vignobles de France. « On n’a pas tout ici, même si nous sommes dans une très belle région, avec des terroirs très originaux ». Il aime les vins d’ailleurs (40% du millier de ses références en vins tranquilles), de France et de l’étranger, et aussi les spiritueux. Il s’est même fait une spécialité des rhums, devenant une référence dans le département pour cette boisson des îles. Il aime tellement le rhum qu’il a même fini par en fabriquer avec un compère : qu’on se le dise, le breuvage est bientôt à la vente.
Un président offensif pour la défense de la profession
Christophe est depuis l’année dernière président de la Coordination des cavistes catalans, une association qui regroupe une trentaine de cavistes des Pyrénées-Orientales et qui promeut ce métier et les vins du Roussillon. Et il entend bien défendre la profession.
On est d’accord, les Français boivent moins mais mieux. Ils se préoccupent de savoir ce qu’il y a dans la bouteille, de savoir qui a fabriqué le jus de la bouteille et comment. Ils sont donc demandeurs d’informations et de conseils. Qui est mieux placé pour les éclairer que les cavistes, je vous le demande ?
Il y a de plus en plus de cavistes, mais aussi de « vendeurs de vin » (plusieurs sur Saint-Cyprien). Et là, ça coince un peu. Qu’un boucher ou un fleuriste vende quelques bouteilles, « pour dépanner », la profession des cavistes n’y voit pas d’inconvénient. Après tout, certains d’entre eux font un peu d’épicerie. Mais que ces non professionnels du vin bénéficient auprès des vignerons ou des agents (intermédiaires qui commercialisent la production d’un grand nombre de domaines) des mêmes tarifs que les cavistes, là, la pilule passe moins bien. Ce sont les cavistes qui ont négocié, au cours des années passées, de pouvoir pratiquer les « prix caveaux » (même tarif que celui pratiqué en vente directe par le vigneron) ; ce sont eux qui à longueur d’année font la promotion des domaines. Bouchers ou fleuristes ne savent pas parler des vignerons aussi bien, ils ne les ont probablement jamais rencontrés.
Mais Christophe est lucide et il sait qu’il faut aussi balayer devant sa porte. En Roussillon, il y a beaucoup d’agents, qui peuvent représenter plusieurs dizaines de domaines. Ce qui facilite la vie des cavistes (il est moins fastidieux de faire une seule facture que quinze ou vingt), mais c’est préjudiciable au métier de caviste, car les contacts avec les vignerons se réduisent. Le rôle de chercheur de pépites ou de petits domaines prometteurs risque de se perdre, et c’est bien dommage.
Bon, vous l’avez compris, la vie de caviste n’est pas un long fleuve tranquille. C’est un métier de passionné, mais qui nécessite une sacrée énergie : l’image du commerçant qui attend tranquillement le client derrière son comptoir est à ranger au placard.
Vins doux naturels, quelques trucs à dépoussiérer
La verve et l’esprit réformateur de Christophe peuvent se déployer à d’autres domaines, il suffit de le brancher. Les vins doux naturels par exemple. « On ne sait pas les vendre ! ». Pourtant, les cavistes catalans ne ménagent pas leur peine sur le sujet. « Oui, mais les restos ne jouent pas le jeu, ils ne les mettent pas en avant, et ils les vendent très chers ».
Il faudrait aussi revoir une terminologie qui n’est peut-être plus très adaptée. « Les vieux ambrés ou tuilés ne devraient pas être vendus comme des vins doux naturels mais comme des boissons de la trempe d’un Cognac ou d’un Armagnac ». Quant aux Muscats, « Il est temps de les réformer. Les gens ne veulent plus de sucre, alors il faut accepter de diviser par deux le taux de sucre résiduel. En faire des moelleux plus que des liquoreux ».
Christophe président de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), ça pourrait décoiffer.
Attention les prix
Christophe ne conteste pas l’excellent rapport qualité-prix des vins du Roussillon encore préservé. Ni l’intérêt pour la survie des vignerons de vendre leur production à des prix décents, et même à des prix élevés pour pouvoir se développer. Mais attention à ne pas trop déraper. « Il y a quelques années, les vignerons indépendants [hors caves coopératives donc] proposaient encore de larges gammes de vins autour de 5€. Aujourd’hui, c’est rarissime. Inversement, les cuvées à plus de 20 € se comptaient sur les doigts d’une main. Aujourd’hui, tous les vignerons en ont ».
Certes les rendements en Roussillon ne sont pas comparables à ceux que l’on a dans la plaine de Béziers, mais il serait dommage qu’un terroir comme ce dernier, où la qualité est en très nette amélioration et où les prix restent bas, viennent trop concurrencer les vins catalans.
Ceci étant dit, Christophe est avant tout caviste. Alors si vous êtes dans le coin – le village est à deux pas des plages – passez chez lui. Je vous donne ses coups de cœur dans le prochain article.